Ulysses S. Grant: L'Ascension d'un Général à la Présidence





Dans le panthéon des figures historiques américaines, peu ont connu une ascension aussi fulgurante et un parcours aussi marqué par des revirements que Ulysses S. Grant. Né le 27 avril 1822 à Point Pleasant, dans l'Ohio, Hiram Ulysses Grant, qui sera connu sous le nom d'Ulysses S. Grant suite à une erreur d’enregistrement à West Point, entame sa vie dans une famille modeste, loin de présager sa future renommée.

Le jeune Grant développe très tôt un intérêt marqué pour les chevaux, une compétence qui le servira tout au long de sa vie militaire. Malgré une certaine réticence initiale à poursuivre une carrière militaire, il intègre l'Académie militaire de West Point en 1839, où il se distingue plus par ses talents équestres que par son excellence académique, tout en s'y forgeant un réseau d'amitiés solides.

À l'issue de sa formation, Grant participe à la guerre américano-mexicaine sous les ordres de Zachary Taylor et Winfield Scott, une expérience qui s'avèrera cruciale dans la définition de son approche au commandement et dans l'affinement de ses compétences militaires. Il y révèle un certain talent pour la stratégie et la direction d’hommes, bien qu'il reste relativement effacé.

Après la guerre, la vie de Grant, désormais lieutenant, tourne en grande part autour de postes de garnison éloignés et d'un mariage avec Julia Dent en 1848, qui lui apporte un bonheur domestique contrairement à sa carrière qui piétine. En 1854, après une série d'affectations qui mènent à l'isolement et une lutte contre l'alcoolisme – un problème qui, à tort ou à raison, lui collera à la peau tout au long de sa vie –, Grant démissionne de l'armée.

Il tente alors sans grand succès diverses entreprises, du travail de la terre au commerce en passant par l’immobilier, mais se trouve régulièrement confronté à l'échec. Ce n'est qu'avec le déclenchement de la Guerre civile américaine en 1861 que Grant retrouve un but et une opportunité de démontrer ses capacités. Reprenant du service dans l'armée de l'Union, il gravit rapidement les échelons grâce à des victoires décisives, notamment le siège de Vicksburg en 1863, qui sécure le contrôle du Mississippi pour l'Union et divise le Sud.

La réputation de Grant comme meneur d'hommes prend de l'ampleur et il attire l'attention du président Abraham Lincoln. En mars 1864, Grant est promu lieutenant-général, prenant le commandement de toutes les armées de l'Union. Sa stratégie implacable et sa détermination à mener une guerre totale contre les confédérés conduisent à d'épuisantes campagnes, aboutissant finalement à la reddition du général confédéré Robert E. Lee à Appomattox Court House en avril 1865.

La victoire de l'Union fait de Grant un héros national. Son soutien au président Lincoln et à sa politique de Reconstruction, ainsi que sa fermeté contre les organisations racistes telles que le Ku Klux Klan, lui valent le respect dans le Nord tout en attisant les tensions dans le Sud vaincu. Avec le pays en reconstruction et la population en quête de leadership, la voie vers la politique semble toute tracée pour le général victorieux.

Sa présidence, qui débute en 1869 suite à une élection triomphale, est marquée par ses tentatives de réconciliation entre le Nord et le Sud, son engagement pour les droits civiques des Afro-Américains et sa politique extérieure, qui aboutira notamment à la signature du Traité de Washington avec le Royaume-Uni. Toutefois, son administration est également assaillie de controverses et de scandales de corruption, qui entacheront son héritage et le pousseront à se focaliser davantage sur les affaires internationales.

S'il est vrai que l’appui constant de Grant envers les droits des Afro-Américains et sa volonté de pacification lui ont gagné beaucoup d’estime, son incapacité à combattre efficacement la corruption et les erreurs de son gouvernement l’ont également très critiqué. Malgré cela, son impact sur l'histoire des États-Unis demeure indéniable, tant dans son rôle de chef militaire impitoyable que de président aux prises avec une nation en guérison.

Après avoir quitté la Maison-Blanche en 1877, les années suivantes sont difficiles pour Grant. Ses entreprises financières échouent et il est victime de spéculations imprudentes qui le ruinent. Atteint d’un cancer de la gorge dû à une vie de fumeur de cigares, il consacre les derniers jours de sa vie à écrire ses mémoires pour subvenir aux besoins de sa famille, un ouvrage qui sera salué comme l'un des plus grands écrits d'un chef militaire.

Ulysses S. Grant s'éteint le 23 juillet 1885 à Mount McGregor, dans l'État de New York, laissant une nation en deuil mais aussi divisée sur l'héritage de cet homme complexe, symbole de courage et de controverse, qui a marqué l'un des chapitres les plus tumultueux de l'histoire américaine. Son parcours du fond de l’anonymat de l’Ohio à la plus haute fonction des États-Unis demeure un exemple fascinant de la nature imprévisible de l'histoire.La dualité de la présidence de Grant, entre progrès et embûches, ne doit pas occulter son engagement remarquable en faveur de l’égalité. En effet, Grant comprit rapidement que la fin de la Guerre Civile n’était pas le terme des luttes pour les droits civiques. Sous son administration, le Quinzième Amendement fut ratifié, interdisant le refus du droit de vote basé sur la race, la couleur, ou une condition antérieure de servitude.

Sa détermination à reconstruire le Sud sur des fondations de justice égale pour tous se traduisit également par la création du Department of Justice en 1870, conçu pour renforcer et défendre les droits des citoyens, en particulier ceux des Noirs américains. Il utilisa l’armée pour démanteler le Ku Klux Klan et d’autres groupes suprémacistes qui terrorisaient les communautés afro-américaines et les républicains sudistes.

Cependant, bien que ses actions en faveur des droits civiques soient saluées par beaucoup, elles alimentent en parallèle le ressentiment chez certains citoyens blancs du Sud. L'effort de Grant pour promouvoir la Reconstruction se heurte à une opposition acharnée, à des actes de violence et à un rejet profond par ceux qui souhaiteraient restaurer l’ancien ordre social de l'Antebellum.

Parallèlement à ces failles intérieures, la présidence de Grant témoigne d’une vision étendue des relations internationales. Dans une époque marquée par les remous post-coloniaux et les ambitions impérialistes, l'administration Grant pose les pierres fondatrices de la politique étrangère américaine qui durera des décennies. Le Traité de Washington de 1871 en est un exemple prégnant, apaisant les tensions avec le Royaume-Uni suite à la Guerre civile, et établissant des précédents en matière de règlement pacifique des litiges internationaux.

Sur le front domestique, pourtant, les réformes de Grant en matière de droits civils n'empêcheront pas l'émergence de scandalis politiques. L'affaire du Crédit Mobilier, l'un des plus gros scandales de corruption de l'époque, secoua les fondements mêmes de son gouvernement. Des membres influents du Congrès et de son Cabinet furent impliqués dans des fraudes et malversations liées au chantier fructueux du chemin de fer transcontinental.

Ces révélations eurent un impact dévastateur sur la crédibilité de Grant, malgré son propre engagement pour l'honnêteté et l'intégrité. Les scandales de corruption répétés finirent par éclipser une partie des réalisations de son administration et affaiblirent l’autorité morale qu'il avait acquise en tant que général victorieux. Malgré un second mandat entaché par les controverses, il tenta sans succès de se présenter à un troisième mandat en 1880.

Ainsi, la postérité de Grant est complexe. D’une part, il est un héros militaire indiscutable, architecte de la victoire de l’Union, et un défenseur captivé de la justice pour les libertés civiles, mais d’autre part, il est un président qui a lutté pour maintenir l’intégrité d’une nation rapidement industrialisée et vulnérable à la corruption.

Au-delà de la politique, la vie de Grant fut celle d’une persévérance exceptionnelle. À la fin de sa vie, ruiné et malade, il démontre une forte résilience en écrivant ses mémoires. Publiées par Mark Twain, ces dernières sont aujourd'hui considérées comme l’une des grandes oeuvres de la littérature américaine, souvent comparées aux "Commentaires sur la Guerre Civile" de Jules César.

Dans l'évaluation historique, le regard porté sur Grant a évolué avec le temps. Là où l'opinion du XIXe siècle fut sévère à son égard en raison des scandales politiques, les historiens plus récents tendent à souligner le positif – son combat pour les droits civiques et ses réussites en politique étrangère – tout en mettant en contexte les défis et les réalités de son époque.

Le mémorial de Grant à Washington D.C., ainsi que son tombeau à New York City, sont des symboles de cet héritage contrasté. Au fil du temps, Ulysses S. Grant est sorti de l’ombre des critiques pour être progressivement reconnu comme l'un des acteurs majeurs dans la lutte pour une Amérique plus juste et unificateur d'une nation meurtrie. Son parcours unique, rempli d'embûches mais couronné d'accomplissements, continue d’inspirer et d'interpeller, affirmant sa place dans la longue suite des figures qui ont façonné les États-Unis d'Amérique.
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